Notre société fait face en ce début de 21ème siècle à des défis majeurs liés aux crises écologiques, sociales, sanitaires et géopolitiques, sous forme de risques mais aussi d’opportunités. Mais, curieusement, à travers mon métier de dirigeants de transition qui me donne l’occasion de rencontrer de nombreux dirigeants d’entreprises et de coopérer avec certains d’entre eux dans des fonctions clés de leurs organisations, je constate une appropriation de ces défis rarement à la hauteur des enjeux.
Cet article s’adresse donc aux dirigeants d’entreprises et à leurs entourages et tente de les faire progresser dans leur prise de conscience de ces enjeux.
DIFFICULTÉ DE CONCILIER LES ROLES DE DIRIGEANT D’ENTREPRISE ET DE PARENT
Être de nos jours à la fois dirigeant d’entreprise et parent, d’adolescents en particulier, peut provoquer un porte-à-faux entre des enfants sensibilisés ou engagés sur le thème de la crise climatique et une activité professionnelle qui contribue à cette crise. On peut aussi subir la situation opposée de parent engagé sur le plan écologique et sous la pression d’enfants réclamant le gros SUV de dernière génération ou un voyage en avion à l’autre bout du monde.
Mais, compte tenu des épisodes météorologiques catastrophiques récurrents, des rapports du GIEC et de l’activisme grandissant des associations et ONG écologiques, il faut s’attendre à ce que l’intérêt des jeunes pour la lutte contre la crise climatique grandisse. Déjà, selon une enquête publiée mi-septembre 2021 dans la revue scientifique « Lancet Planetary Health »,39 % des jeunes de 16-25 ans ont peur d’avoir des enfants !
Quel impact cela va avoir sur leurs parents, en particulier ceux qui dirigent des entreprises aux activités incompatibles avec cet enjeu?
Quel impact sur leurs employés qui sont parents d’enfants touchés par ce sujet ?
DECALAGE ENTRE VERITABLE BESOIN DU MARCHE ET RAISON D’ETRE DES ENTREPRISES
Alors que le développement durable est défini et recommandé depuis des décennies, nous constatons encore un décalage entre d’un côté la stratégie et le management de la plupart des entreprises et d’autre part la montée des risques sociaux et écologiques, provoqués par une appropriation insuffisante de ces enjeux par ces mêmes entreprises.
Par exemple, il est frappant de voir la persévérance de l’industrie automobile à rester dans son modèle de production de masse de véhicules, sources majeures de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre, quitte à tromper le consommateur (dieselgate, promotion de lourds véhicules), alors que plus de 40000 personnes / an meurent en France pour cause de mauvaise qualité de l’air (Source Santé Publique France) et que le réchauffement climatique est vu par 48% des français comme l’événement majeur de ces dernières années (sondage IFOP de Déc. 2020).
Le véritable besoin du marché « La liberté de se déplacer en préservant santé et environnement » s’est muté en « posséder une voiture, au détriment de la santé et de l’environnement ».
Quid de votre entreprise? A-t-elle une raison d’être alignée sur le véritable besoin du marché ?
ENGAGEMENT DU PERSONNEL
Les centaines de cahiers des charges de mission que j’ai vu passer en tant que dirigeant de transition depuis 2007 ont un point commun (hormis ma mission de DRH en cours): la dimension humaine est négligeable par rapport aux dimensions économiques et techniques. Ce n’y est jamais une finalité, mais au mieux un moyen. Elle se résume souvent à une phrase du type « Vous avez une excellente capacité managériale pour mener les équipes vers la performance ».
En arrivant dans l’entreprise, j’observe une qualité managériale variable des cadres et agents de maitrise, mais son développement n’est jamais une priorité. La Qualité de Vie au Travail ne fait pas partie des axes stratégiques de l’entreprise. Je découvre souvent une situation critique sur le plan du nb d’accidents de travail et des risques psycho-sociaux que la plupart des donneurs d’ordre négligent dans la description de leurs besoins.
Ce sont des observations d’entreprises certes en situations spéciales, mais qui donnent un bon éclairage sur les causes de désengagement des salariés (seulement 10% sont engagés en Europe d’après une étude de Gallup de 2017).
« L’humain au cœur de l’entreprise »: quel dirigeant d’entreprise renierait cette expression? Mais à quel point cela s’incarne-t-il, cela se traduit dans les priorités et est ressenti par les employés ?
PRESSION REGLEMENTAIRE
Tous les acteurs de la filière économique des moteurs d’automobiles diesel et à essence et des véhicules de tourisme lourd ou à grosse cylindrée, ont de quoi être en colère. Les nouvelles réglementations françaises et européennes et celles qui se profilent à l’horizon restreignent ou condamnent à mort leurs activités.
Et ce n’est qu’un début ! Car, comme le montre le graphique ci-joint issu de la stratégie nationale bas carbone française, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 (c’est-à-dire autant d’émissions de gaz à effet de serre que de captation, principalement par la nature) nous allons vers la quasi-disparition des modes de transport à essence et diesel. Mais l’électrification du parc automobile prônée par l’UE ne suffira pas. Outre la difficulté d’accès aux matériaux nécessaires pour cette électrification, comme 20% des émissions de gaz à effet de serre d’un véhicule sont dus à sa fabrication, la lutte contre les dérèglements climatiques nécessitera en plus une réduction du nombre de véhicules fabriqués.
A ces contraintes, s’ajoute le besoin de la préservation de la biodiversité et d’autres urgences écologiques qui vont accentuer la pression réglementaire sur toutes les entreprises.
Où se situe votre entreprise dans ce graphique ?
Est-ce que votre entreprise respecte la réglementation en place dans son secteur et anticipe les prochaines, en particulier dans le domaine environnemental qui vont inexorablement s’amplifier ?
PRESSION DE L’INVESTISSEMENT A IMPACT
Les dirigeants d’entreprises sont cernés ! En plus de la pression de l’environnement familial, de leur marché, de leurs employés et de la règlementation qui les poussent à donner à leur entreprise une orientation socialement et écologiquement responsable, voilà que leurs partenaires financiers se convertissent à l’investissement à Impact.
Pourquoi ?
- Le public en demande : près de 6 Français sur 10 estiment que la protection de l’environnement est un sujet prioritaire en matière d’investissement et souhaitent que les enjeux de développement durable soient inclus dans les produits d’épargne (d’après une étude menée par CPR AM avec le cabinet Deloitte, OpinionWay et Spoking Polls en 2019).
- Les acteurs des services financiers suivent le mouvement : en France, en 2019, les encours de l’investissement responsable ont augmenté de 32% pour atteindre plus de 1 861 milliards d’€ (Selon des données publiées par l’Association française de la gestion financière (AFG)).
- Les contraintes réglementaires pèsent de plus en plus sur tous les investisseurs européens avec en particulier la directive européenne Disclosure (SFDR).
- De plus, la comparabilité des performances des produits financiers est maintenant règlementée par la Taxonomie européenne qui aide à évaluer l’impact social, environnemental et écologique des investissements.
Cela se traduira par des rapports extra-financiers touchant des entreprises de plus en plus petites et une exigence grandissante pour elles de performance autant économique que sociale, sociétale et environnementale.
QUELLES OPPORTUNITES TIRER DE TOUT CELA ?
Cette accumulation de contraintes peut paraître démoralisante et propre à écœurer du rôle de dirigeant d’entreprise … Mais tout cela peut être aussi tourné en opportunités :
- Possibilités de nouveaux marchés permettant de développer, sobrement, son entreprise.
- Opportunités de se différencier de la concurrence en étant plus rapide, plus réactif ou plus dans l’anticipation que les autres acteurs de son marché.
- Chance de donner plus de sens à la raison d’être de son entreprise, à son travail de dirigeant et à celui de ses collaborateurs.
- Etc …
GAGNER EN RESILIENCE
Les entreprises font donc face à des risques à évaluer et anticiper et à des opportunités à définir et saisir, mais leurs dirigeants doivent aussi être conscients que nous sommes entrés dans un monde empli encore plus d’inconnus.
Où la crise climatique va-t-elle prochainement frapper ? Jusqu’où l’activité humaine va-t-elle faire augmenter la T° moyenne de la surface de la terre et à quelle vitesse (au-delà de +2°C les scientifiques annoncent un risque d’emballement) ? A quel point allons-nous dégrader la biodiversité et quelles en seront les conséquences ? Après les bonnets rouges et les gilets jaunes, à quand la prochaine crise sociale ? Covid 19 5ème vague ? Autre pandémie ? Etc …
Afin d’anticiper toutes ces inconnues, l’entreprise doit donc aussi gagner en résilience !
QU’APPORTE LE MANAGEMENT DE TRANSITION FACE A CES DEFIS ?
Le management de transition comme on le connaît jusqu’à présent, consistant à apporter un renfort managérial temporaire à une entreprise pour l’aider à progresser ou gérer une situation spéciale, ne fait en général que poursuivre la non prise en compte des défis et opportunités exposés plus haut.
Le management de transition « à Impact » consiste, lui, à améliorer de façon mesurable les organisations sur les plans social, sociétal ou environnemental, tout en renforçant leur performance économique et leur résilience.
L’association IMWI regroupe des managers de transition « à Impact » expérimentés, convaincus que les entreprises sont des acteurs clés d’une société responsable et durable, et facilitateurs de leur transformation pour répondre à ces enjeux. Découvrez leurs profils et leurs domaines de compétence dans ce site Internet.
Lisez la suite dans l’article : « POURQUOI, ALORS QUE NOTRE MAISON BRULE, DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISE REGARDENT ENCORE AILLEURS ? »
Manager de Transition à Impact (IMWI)